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ANNALES

DE LA

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE

DE NANTES

ET DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE INFÉRIEURE.

1877

NANTES,

IMPRIMERIE DE Mm<! Ve MELLINET, PLACE DU PILOKI, 5.

PROGRAMME DES PRIX

PROPOSÉS

PAR LA SOCIETE ACADÉMIQUE DE NANTES

POUR L'ANNÉE 1878.

lre Question. Etude biographique sur un ou plusieurs Bretons célèbres.

2e Question. Etudes archéologiques sur les départements de l'Ouest.

(Bretagne et Poitou.)

Les monuments antiques et particulièrement les vestiges de nos premiers âges tendent a disparaître. L'Académie accueillerait avec empressement les mémoires destinés à en conserver le souvenir.

3e Question. Etudes historiques sur l'une des institutions de Nantes.

4e Question. Etudes complémentaires sur la faune, la flore, la minéralogie et la géologie du département.

Nous possédons déjà les catalogues des oiseaux, des mollusques et des coléoptères de notre région, ainsi que

1

la flore phanérogamique, un catalogue des cryptogames et un catalogue des minéraux.

Question. —De l'emploi du thermo-cautère en

chirurgie.

6e Question. Etudier les médications nouvelles proposées contre les fièvres intermittentes.

7e Question. Des conditions de salubrité à exiger dans les établissements publics pour éviter le déve- loppement de la fièvre typhoïde

La Société académique, ne voulant pas limiter son concours à des questions purement spéciales, décernera une récompense au meilleur ouvrage.

De morale, De littérature , D'histoire,

D'économie politique, De législation, De sciences.

Les mémoires manuscrits devront être adressés, avant le 20 août 1878, à M. le Secrétaire général, rue Suffren, 1. Chaque mémoire portera une devise reproduite sur un paquet cacheté mentionnant le nom de son auteur.

Tout candidat qui se sera fait connaître sera de plein droit hors de concours.

Néanmoins une récompense pourra être accordée, par exception, aux ouvrages imprimés, traitant de travaux intéressant la Bretagne et particulièrement le département de la Loire-Inférieure, et dont la publication ne remontera pas à plus de deux années.

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Les prix consisteront en médailles de bronze, d'argent et d'or, s'il y a lieu. Ils seront décernés dans la séance publique de novembre 1878.

La Société académique jugera s'il y a lieu d'insérer dans ses Annales un ou plusieurs des mémoires couronnés.

Les manuscrits ne sont pas rendus; mais les auteurs peuvent en prendre copie, sur leur demande.

Nantes, novembre 1877.

Le Président, Le Secrétaire général,

G. Merland. Dr Marcé.

Imp. de Mc V C. Mellinet, place du Pilori, 5.

ANNALES

DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE

DE NANTES.

ANNALES

DE LA

SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE

DE NANTES

ET DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE-INFÉRIEURE.

Volume 7 de la 5e Série.

M"" \' C. MELLINET, IMPRIMEUR DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE,

Place du Pilori, 5.

18 7 7

MACOS

5

Deux renseignements importants onl clé omis dans le volume des Annales, pour l'année 1876 :

I. RÉSULTAT DU CONCOURS DE 1876.

Médaille d'argent (grand module) ,

à M. Al. Guyot-Jomard , ancien professeur d'histoire

et de géographie au collège de Lorient , pour sa

biographie du connétable Arthur de Bretagne, comte de Richemont ;

Médaille d'argent (grand module) ,

à M. Edouard Gallet, receveur des douanes à Beauvoir- sur-Mer (Vendée) , pour un mémoire intitulé : Ehide historique sur les douanes françaises ;

Médaille de bronze ,

a M. Achille Millier) , de Beaumonl-la-Ferrière (Nièvre), pour une pièce de poésie sur « la Nuit de Mai. »

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II. - COMPOSITION DU BUREAU ET DU COMITÉ CENTRAL

Pour l'année 1877.

Dans la séance du 11 décembre 1876, les élections ont donné les résultats ci-après :

I. - BUREAU.

MM. Merland père ^ , président. Abadie ^ , vice-président. Marcé , secrétaire général. Menier, secrétaire adjoint. Doucin ^ , trésorier. Delamare , bibliothécaire archiviste. Prevel , bibliothécaire adjoint.

II. - COMITÉ CENTRAL.

M. Lefeuvre, président sortant.

MM. Bobicrre -^ , Goupillcau # , Polo, pour la section d'agriculture, commerce, industrie et sciences économiques ;

ii° MM. Laènnec , Le Houx, Blanchet , pour la section de médecine et pharmacie ;

MM. Biou , Caillard , Merland fils, pour la section des lettres, sciences et arts ;

MM. Bourgaull-Ducoudray, Gadeceau , Barel , pour la section, des sciences naturelles.

ALLOCUTION DE M. LE D" LEFEUVRE

PRESIDENT SORTANT.

Messieurs ,

En descendant du fauteuil de la présidence, je dois, avant tout, vous remercier de l'honneur que vous m'avez fait en m'y élevant.

Mais, je vous le dis en toute franchise, peu envieux des grandeurs d'aucune sorte, et quoique l'aménité de tous nos collègues, et en particulier de nos collègues du bu- reau, m'ait rendu la tâche facile, le plus beau jour de ma présidence est celui je puis remettre mon pouvoir entre des mains plus expérimentées et plus dignes.

Vous avez faire une remarque, au point de vue de notre Société : c'est qu'un certain nombre de ses membres appartiennent à un déparlement voisin, celui de la Vendée. Notre honorable président actuel est de ce nombre. Il me faisait observer, l'autre jour, que le sol, dans une grande partie du Marais de son pays, est possédé par des Nantais. Les capitaux amassés dans une grande ville de commerce et d'industrie vont souvent chercher leur emploi dans des

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acquisitions plus ou moins lointaines. En revanche, l'attrait et les ressources qu'offre une grande ville attirent souvent dans son sein les habitants des petites villes voisines.

Nantes et la Société Académique, en particulier, n'ont pas à se plaindre sous ce rapport. Nombre de nos col- lègues, et des plus travailleurs, de Vendéens sont devenus Nantais, par l'adoption d'une nouvelle patrie.

Espérons que, continuant sa lâche favorite, celle de biographe, notre Président, sans renoncer à son pays, trouvera des Bretons à étudier et à peindre. Mais espérons aussi, dans l'intérêt présent et à venir de notre Société, que ce sera seulement en dehors d'elle qu'il trouvera des sujets pour ses biographies.

Quelques démissions sont venues, ces temps derniers, diminuer le nombre de nos membres : puisse, du moins, la mort ne pas venir encore accroître le vide qui se fait dans nos rangs, car, il faut bien l'avouer, ces vides sont difficiles a combler.

Les diverses Sociétés, même les plus nombreuses, les plus riches, se plaignent amèrement de la froideur, de l'absentéisme de leurs adhérents.

La création d'une Ecole libre de Droit, l'élévation de notre Ecole de Médecine à un degré supérieur, la faveur dont jouissent certains cours de l'Ecole des Sciences et des Lettres prouvent que, même dans notre cité commer- ciale, le culte de l'intelligence n'est pas complètement délaissé. Puissent longtemps encore nos vieux travailleurs nous honorer de leur collaboration ; puisse une jeune gé- nération s'élever sous leurs auspices, et, apportant à nous et à nos successeurs le tribut de leurs éludes, continuer à répandre sur la Société Académique le lustre des anciens temps !

ALLOCUTION DE M. MERLAND

NOUVEAU PRESIDENT.

Messieurs ,

Je dois commencer par vous adresser des paroles de remerciement pour l'honneur que vous avez bien voulu me faire en m'appclant a la présidence de votre Compa- gnie. Le souvenir des hommes distingués qui, avant moi, se sont assis à ce fauteuil, devrait peut-être me faire trouver cet honneur périlleux : votre bienveillance, la bonne harmonie qui règne parmi nous, la courtoisie de nos discussions, viennent me rassurer. Le concours intel- ligent et empressé que je suis sûr de rencontrer dans ceux de mes collègues qui siègent à mes côtés, rendra encore ma tâche plus facile.

Permettez-moi de faire, dès aujourd'hui, appel à votre bonne volonté, en vous conviant aux nobles travaux de l'esprit.

Sans doute, Messieurs, pendant l'année qui vient de s'écouler, notre Société n'est point restée oisive ; sans doute, elle a produit des travaux d'un grand intérêt. Mais,

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lorsque je considère les éléments qui la composent, que je me rends compte de ce qu'elle a fait et de ce qu'elle pou- vait faire, je me dis qu'on était en droit d'en attendre davantage. Quand le sol est fertile, et qu'avec un profond labour il peut donner d'abondantes récoltes, pourquoi les bras se reposent-ils trop souvent ? Quand le soleil brille déjà d'un vif éclat, pourquoi prolonger les heures du sommeil ? A l'œuvre ! à l'œuvre ! et nos Annales devien- dront bientôt le grenier d'abondance.

Travaillons, prenons de la peine, C'est le fonds qui manque le moins.

Qu'un sentiment de modestie, que je ne saurais ap- prouver, ne vous fasse pas non plus enfermer dans un carton poudreux des compositions dignes de voir le jour. Loin de garder pour soi les trésors qu'il entasse, le riche doit les répandre à profusion ; il doit s'en montrer à tous généreux et prodigue.

Je ne terminerai pas cette courte allocution sans offrir en votre nom, aux chers collègues qui nous cèdent à ce bureau une place qu'ils ont si bien occupée, un témoignage sincère de gratitude. Nous suivrons la voie qu'ils nous ont iracée. Gomme eux, nous travaillerons du mieux que nous le pourrons a la prospérité de notre Compagnie; heureux, si nous pouvons aussi bien faire, et si nous nous montrons dignes de vos suffrages.

NOTICE

SUR

MONSEIGNEUR FOURNIER

ÉVÊQUE DE NANTES

Ancien Président de la Société Académique ,

Par Mr C. MERLAND, Président.

Messieurs ,

Quelques jours avant son départ pour Rome, je me trouvais a une soirée que la jeunesse du Petit-Séminaire donnait à Msr Fournier, pour célébrer les noces d'or de son sacerdoce. En voyant le bonheur rayonner sur tous les visages, qui aurait pu se douter qu'une immense tris- tesse allait les assombrir ? En entendant des chants joyeux s'échapper de toutes les poitrines, qui pouvait penser que des chants funèbres ne larderaient pas à leur succéder? A l'aspect des riches tentures et des éclatantes bannières qui décoraient la salle, était-il quelqu'un qui pût croire que bientôt elles seraient remplacées par de longs voiles de deuil ? Monseigneur nous apparaissait tel que nous l'avions toujours connu. Sa voix sonore n'avait rien perdu

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de son éclal , sa parole brillante charmait son auditoire , qui le couvrait d'applaudissements. En se séparant de lui, personne ne songeait à un adieu éternel ; tous se promet- taient, au contraire, après qu'il aurait fêté le cinquantième anniversaire épiscopal du Souverain Pontife, de fêter le cinquantième anniversaire sacerdotal de l'évoque de Nantes ; et aujourd'hui, ce sont des larmes qu'il faut répandre sur sa tombe. Comptez donc maintenant sur l'avenir ! Bercez- vous de beaux rêves et d'illusions trompeuses ! Quand Dieu lient en ses mains les destinées des hommes , qui donc est sûr du lendemain ? N'est-ce pas au moment le soleil brille de mille feux , que l'orage bien souvent éclate sur nos têtes? Tout n'est que vanité et néant sur la terre ; heureux seulement ceux dont la vie, comme celle de iMer Fournier, a été semée de grandes œuvres et de bonnes actions. Ces pensées si naturelles qu'elles viennent, j'en suis sûr, à tous vos esprits, je laisse à des voix plus autorisées que la mienne le soin de les développer et d'en tirer de grandes leçons.

Si je ne puis passer sans payer un tribut d'hommages au prélat qui occupe une si grande place dans l'histoire du diocèse de Nantes; sans dire un mot du représentant qu'en 1848 l'estime et la confiance de ses concitoyens envoyèrent à l'Assemblée constituante ; sans parler du Président d'honneur de la Société archéologique , dont M. Marionneau prononçait hier un éloquent éloge , je m'étendrai bien davantage sur le lettré que notre Compa- gnie a compté au nombre de ses membres, sur le Prési- dent dont, après vingt années, j'ai l'honneur, honneur périlleux sans doute, d'occuper le fauteuil, sur les travaux dont il a embelli nos Annales.

I\l&r Fournier est à Nantes dans la troisième année de notre siècle. Ses heureuses dispositions naturelles et

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son goût pour le travail donnèrent de bonne heure à ses maîtres les grandes espérances qui devaient si bien se réaliser un jour. Après de brillantes éludes faites au Sémi- naire, comme son âge ne lui permettait pas encore de recevoir les ordres, il fut, en attendant, chargé de l'en- seignement des lettres et de la philosophie. Il quitta donc les bancs de l'écolier pour monter dans la chaire du pro- fesseur. C'était de la part de ses supérieurs témoigner d'une grande confiance dans ses connaissances et son aptilude. Cette confiance ne fut point trompée. Il forma d'excellents élèves en même temps qu'il se prit d'un si grand amour de la scolastique, que, plus tard, alors qu'il occupait des fonctions sacerdotales, il se plaisait en- core à venir au Séminaire soutenir des thèses et discuter avec les élèves en théologie. A vingt-quatre ans, il fut nommé vicaire à Saint-Nicolas. Sa facilité d'éloculion et son remarquable talent d'improvisation attirèrent autour de sa chaire de nombreux auditeurs. A ce propos, je vous demanderai la permission de vous raconter une anecdote qui , pour n'avoir pas un caractère bien sérieux , n'en atteste pas moins que la parole coulait de ses lèvres comme l'eau d'une source abondante. Je la tiens d'un de nos collègues, ami d'enfance de Monseigneur, qui joua son rôle dans cette petite histoire.

Le jeune vicaire de Saint-Nicolas s'était rendu a une invitation à déjeûner qui lui avait été faite par d'anciens camarades. Le repas fut plein de gaîlé, comme il arrive à cet âge, seulement l'abbé pria les joyeux convives de vou- loir bien, quand il serait terminé, lui laisser une heure de recueillement pour préparer le sermon qu'il devrait pro- noncer dans l'après-midi. Ses amis lui promirent tout ce qu'il voulut, et il se leva de table sans se douter du complot ourdi contre lui. Voulant savoir, en effet, comment il s'en

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tirerait, ils avaient résolu de ne lui laisser aucun repos. Quand donc il crut s'enfermer dans le silence du cabinet , ils l'y suivirent en faisant entendre des cris bruyants. C'est en vain que, pour leur échapper, le jeune prédicateur cherchait une retraite plus sûre, ils frappaient à sa porte et l'étourdissaient de leurs chants. Cependant le temps se passait et l'heure de monter en chaire était arrivée. L'abbé Fournier s'y rendit, escorté de ceux qui s'étaient fait un jeu malin de le tourmenter. Jamais , nous a dit notre collègue, sa voix ne fut plus éloquente ; jamais sa parole ne fut plus nette, plus facile, plus abondante; jamais, sans s'écarter de son sujet, il ne le traita plus complètement. Nous sortîmes de la chapelle, non pas confus, mais en- thousiasmés de notre défaite. La victoire restait à notre ami , nous l'en félicitâmes vivement.

Du vicariat, Mer Fournier passa, en 1836, a la cure de Saint-Nicolas. De ce moment, ce n'est plus seulement sa parole qu'il faut entendre, ce sont ses actes qu'il nous faut contempler. Dès le premier jour, il songe à faire de l'église de sa paroisse une magnifique basilique, et quand arrivera l'heure de l'édifier , comme les ressources dont il pourra disposer seront insuffisantes, tous ceux auxquels il s'adressera répondront à son appel. En attendant , il n'oublie aucune misère. A sa voix , la Société de Saint- Vincent-de-Paul redouble d'ardeur et de charité, l'institu- tion de Sainte-Marie se fonde pour les orphelins, celle du Bon-Secours pour les ouvrières infirmes ; des écoles, des ouvroirs , des salles d'asile, des crèches s'ouvrent pour l'enfance, des vestiaires pour ceux qui manquent de vête- ments.

Il vint un jour, jour de révolution, le curé de Saint- Nicolas quitta sa paroisse pour aller à Paris défendre les grands principes de la société mis en péril. La Loire-

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Inférieure compta dix représentants à l'Assemblée consti- tuante ; combien en resle-t-il aujourd'hui ? Un seul, l'ho- norable M- Waldeck-Rousseau. Que la reconnaissance de la ville qu'il a si sagement administrée lui soit une récom- pense ! Que sa vie se prolonge de longues années ! Que longtemps encore nous puissions l'entourer de notre res- pect et de notre sympathie !

A l'Assemblée constituante, Msr Fournier se tint à l'écart de la tribune ; mais, si nous avons été bien informé, il ne fut pas dans les bureaux sans avoir de l'influence sur ses collègues. Il s'appliqua surtout à faire triompher cette politique pratique et de modération , qui est celle de tous les bons esprits. S'il était inébranlable sur les grands prin- cipes sans la pratique desquels les sociétés s'écroulent , il croyait qu'il n'en peut être ainsi pour les institutions qui les régissent. Il se disait qu'elles doivent nécessaire- ment varier suivant les âges, les mœurs, les degrés de civilisation, suivant mille exigences contre lesquelles les oppositions individuelles sont impuissantes à lutter. Sans rompre complètement avec les traditions du passé, il accep- tait les nécessités des temps présents, se montrait toujours favorable au progrès, et ne repoussait pour l'avenir que les utopies aveugles et insensées. Les divergences d'opinions qui, trop souvent, hélas ! donnent naissance aux haines et aux divisions, pour lui n'étaient matière qu'à des discus- sions courtoises , propres à faire jaillir la lumière et à rapprocher les esprits, en dissipant les ténèbres.

Si quelqu'un pouvait douter de ce que j'avance , je le renverrais à la notice que Mer Fournier a publiée dans nos Annales sur un de nos anciens collègues, sur M. Urvoy de Saint-Bedan. Que de points de ressemblance et de traits communs entre ces deux hommes ! Tous deux sont également épris des arts, et en face de notre Musée de

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peinture, que M. Urvoy de Saint-Bedan a doté d'une riche collection de tableaux, se dresse cette architecture aérienne du clocher de Saint-Nicolas, œuvre de Mer Fournier. Pour le soulagement des misères, tous deux sont d'une charité inépuisable, tous deux sont de nobles et généreuses natures qui n'ont jamais été animées de ces passions basses et étroites que je voudrais proscrire de tous les cœurs. Ils se connurent, et la communauté de goûts, d'idées et de sentiments les lia d'une étroite amitié. Quand M. Urvoy de Saint-Bedan vint à mourir, précédant de dix-neuf ans son ami dans la tombe, Mer Fournier, dans des pages émues , en fit un éloge bien mérité. Après avoir mis au jour tous les actes de bienfaisance de sa vie privée , lorsqu'il arrive à sa vie publique et à sa carrière législative , il le loue de la conduite à la fois ferme et modérée qui lui valut , en 1828, l'estime et l'amitié des Chateaubriand, des Martignac, des Hyde de Neuville. Faut-il le dire ? Dans le portrait qu'il nous en trace, nous croyons reconnaître Monseigneur lui-même.

Les élections à l'Assemblée législative rendirent Mer Fournier aux fonctions de son ministère. Quoiqu'elles se multipliassent tous les jours, il trouva le secret de leur dérober quelques instants qu'il consacra aux lettres et aux sciences.

Créée en l'année 1845, la Société archéologique avait compté Msr Fournier au nombre de ses membres fonda- teurs. A son installation , il en occupa une des places d'honneur, il fut nommé son vice-président. Il ne se con- tenta pas, en celle qualité, de diriger souvent ses discus- sions, il y prit une part Irès-aciive. En 185°2, il faisait à ses collègues un rapport sur le voyage archéologique qu'il avait fait en Normandie, en compagnie de M. Nau, président de la Société. Sa lecture ne prit pas moins de trois séances.

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Rien de ce que Poulorson, le Mont-Sainl-Michel, Avrancbes, Grandville el particulièrement Noire-Dame de Coulances, offrent de curieux au point de vue archéologique, n'y est oublié. La cathédrale de Bayeux, la belle église de Notre- Dame de Nouré, l'abbaye d'Ardenncs, sont aussi de sa part l'objet des plus intéressantes études. « M. l'abbé Fournier, » lit-on dans un des procès-verbaux de la Société, déroule m devant son auditoire les magnifiques panoramas qu'offrent » les cités de Gaen, la ville aux clochers, cl de Rouen ; il » passe en revue les monuments religieux qui se dressent » autour de lui. Saint-Etienne, Notre-Dame, Saint-Nicolas, » Saint-Jean, Saint-Pierre, la Trinité, Saint-Maclou, Saint- » Patrice, l'admirable basilique de Saint-Ouen, forment la » troisième partie de la notice , qu'il achève au milieu » d'applaudissements unanimes. »

M. Stéphane de la Nicolière avait publié un travail consi- dérable sur l'église royale el collégiale de Nantes ; Mer Fournier en fit une élude très-sérieuse. Elle trouvait na- turellement sa place dans les annales de la Société archéo- logique ; au lieu d'y être insérée, pourquoi fut-elle publiée dans un journal de la localité ? Nous nous sommes fait cette question sans pouvoir y répondre.

A son avènement à l'épiscopat, ce fut à son grand regret que le temps ne lui permit plus d'assister aux séances ordinaires de la Société. Jusque-là il n'y avait guère manqué, il croyait si bien que la présence aux séances était un acte de haute convenance qu'il en faisait presque une obligation. Dans sa notice sur M. de Tollenare, il la considère comme un devoir. Ses observations étant tou- jours pleines d'actualité, j'en reproduis les termes :

« N'est-ce pas en effet, Messieurs, un véritable mérite » que cette ponctualité à un devoir librement accepté ? » N'est-ce pas une marque de respect pour le corps dont

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» on fait partie , une gracieuse courtoisie envers ses » collègues, un encouragement personnel à ceux dont » on doit entendre les travaux ? N'est-ce pas par cette » exactitude que les Sociétés fleurissent et prospèrent, et » par l'abstention qu'elles s'affaiblissent et meurent. Quels » que soient la passion de l'étude, l'amour du bien, la » force de la volonté qui cherche le vrai, n'éprouve-t-on » pas le besoin de rencontrer des esprits attentifs et » sympathiques? Ne faut-il pas à l'orateur un auditoire? Et la certitude de parler à de nombreux confrères, de » provoquer leurs judicieuses observations, leurs justes » critiques, ou de recueillir leurs bienveillants suffrages, » de faire jaillir la brillante étincelle d'une bonne et » aimable discussion, n'est-ce pasTencouragemenl nécessaire » et la douce récompense des membres plus zélés que » préparent et soumettent leurs travaux? N'est-ce pas » l'avantage et le bonheur des Sociétés dont le rappro- » chement fait la vie, déploie les ressources, entretient » l'activité et assure le progrès? »

Msr Fournier ne s'est pas contenté d'encourager la Société Archéologique par sa présence cl ses travaux, il a fait de nombreux dons à son Musée.

Le 10 juillet 1850, sur le rapport de M. Colombe], ancien maire de Nantes, père de M. Colombe!, notre collègue actuel, M. l'abbé Fournier, curé de Saint-Nicolas, était admis à la Société académique de notre ville en qualité de membre résidant.

Nous lui devons deux des travaux les plus intéressants que renferment nos Annales. Le premier est une élude sur saint Ambroise; le second à pour tilre : Voyage à Rome et dans quelques autres villes de l'Italie.

Un des plus grands pères de l'église ; un prélat que sa foi, son courage et son savoir rendirent illustre entre

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tous; un patricien, qui, dans le gouvernement civil de son siècle, occupe une place aussi considérable que dans le gouvernement de l'église, saint Ambroise, pour être peint dans toute la grandeur et la sainteté de son caractère, demande une main magistrale. Après deux maîtres en l'art d'écrire, MM. Viliemain et Guizot, qui s'en étaient chargés, il semblait qu'il y eût témérité à y revenir. M&r Fournier n'en fui point effrayé, et nous avons a nous en applaudir. Nous lui devons, en effet, la notice la plus complète el la plus intéressante qui ait été écrite sur ce saint personnage. Il nous a donné l'appréciation la plus juste et la mieux sentie de l'auteur des Traités des Devoirs et de la Viryinilé, de celui qui, dans un jour d'inspiration, composa celte hymne d'allégresse et de victoire, qu'au lieu du dies irœ, nous eussions entendu retentir dans nos églises, si à son retour de Rome, à la place de ses saintes reliques, nous eussions reçu, comme nous l'espérions, notre évèque bril- lant de santé, le Te Deum , cantique immortel qu'ont chanté nos pères el que nous chanterons encore.

Mais l'écrivain s'efface devant l'homme.

L'éloquence de la chaire fait silence en présence de l'héroïsme du courageux pontife qui tient tête à l'empereur Théodose, coupable de meurtres, et qui ne lui permettra l'entrée de son église qu'après qu'il aura demandé au Dieu de clémence pardon de son crime. Ces scènes sublimes des temps passés, la sédition du peuple un jour d'émeute Ambroise sauve la vie h un prêtre arien dont il attaquait le schisme; sa lutte devant le Sénat avec le rhéteur Sym- maque, l'éveque de Milan proclamant les grandes vérités du christianisme contre l'ancien préfet de Rome plaidant la cause de la religion païenne, sont reproduites par Msr Fournier avec une vérité et un éclat qui les rendent vivantes à nos yeux.

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Dans son élude des œuvres littéraires d1 Ambroise, nous retrouvons le lettré qui connaît si bien les auteurs latins dont sa studieuse jeunesse fil ses délices. C'est ainsi qu'il compare Ambroise et Cicéron, le traité des Devoirs du premier et les traités de Officiis et de Amicitiâ du second. Tout en reconnaissant, quant au style, la supériorité du philosophe de l'antiquité, au point de vue moral, il pen- cherait pour Ambroise. Gomme Msr Freppel, il est d'avis que la grande éloquence, l'éloquence du cœur, éclate sans pouvoir être surpassée dans les paroles touchantes que fait entendre l'évêque de Milan, quand le corps de son frère chéri lui revient des rivages de l'Afrique.

Ce fut en 1862 que MsrFournier fit son premier voyage à Rome. De retour à Nantes, il en composa le récit dont la lecture occupa sept séances de la Société Académique. Il en a été fait un tirage à part qui forme tout un volume. Que de livres ont été écrits sur cette terre privilégiée dont le ciel est si beau, les nuits si sereines, les mo- numents abondent, partout les arts et les lettres se donnent la main ! Hier encore nous écoutions , avec le plus vif intérêt, les lettres charmantes et les sonnets déli- cieux qu'elle a inspirés à un de nos chers et anciens pré- sidents, à M. Lambert. L'Italie est pour l'esprit une mine inépuisable. Les touristes ont beau la fouiller et en rap- porter les plus riches trésors, il en reste encore pour ceux qui viennent après eux, tant les filons se multiplient à mesure qu'on les exploite.

Un travail aussi considérable que celui de Msr Foumier mérite bien qu'on s'y arrête quelques instants. Pour ne pas occuper entièrement votre séance , nous n'accompa- gnerons pas son auteur pendant tout le cours de son voyage , nous ne l'aborderons qu'au moment il fait son entrée dans la Ville éternelle. Nous nous permet-

ti- trons encore de ne pas suivre complètement l'ordre de son récit. Nos premières lignes seront pour la Rome antique, celle des Scipions et des Césars; nos dernières pour la Rome des pontifes , pour celle qui fait encore l'admiration du monde. Nous y verrons deux civilisations superposées, la civilisation païenne et la civilisation chré- tienne, avec leurs somptueux édifices dont l'édification, les ruines ou les transformations nous racontent l'histoire. Sous les coups des barbares, les monuments disparaissent en partie. Brennus, Alaric, Tolila, Genseric la saccagent et laissent après eux l'empreinte ineffaçable de leur pas- sage. Au moyen-âge, elle est dévastée par les guerres civiles; dans les beaux jours de la renaissance, par les hordes du connétable de Bourbon, Mais la Rome nouvelle, la Rome des arts et des merveilles, celle qu'avaient édi- fiée Jules II et Léon X, reste debout, et, depuis Sixte- Quint, jusqu'à nos jours, tous les pontifes ajoutent aux beautés qu'elle renferme. Quant aux ruines de la société païenne , elles ont laissé assez de traces pour que des écrivains érudits et de savants artistes en aient, avec leur plume et leur pinceau, reconstruit les monuments. Mer Fournier avait des connaissances trop étendues en histoire et dans les arts pour les passer sous silence et pour ne pas rappeler tous les souvenirs qui s'y rattachent. Et quels sou- venirs ! Devant nous est le Forum se, traitaient toutes les grandes affaires de la République. Entendez-vous de sa tri- bune retentir la voix desGraccbus,d'Hortensius,deCicéron? A côté et se touchant, voilà le Capitule et la roche Tar- péienne, c'est-à-dire, la victoire et la défaite : gloire hu- maine et néant qui se touchent, de si près qu'ils se con- fondent aux yeux du sage. Les cirques s'ouvrent. Sur leurs vastes amphithéâtres, cent mille citoyens prennent place, avides du spectacle qui va s'offrir à leurs yeux. Les gla-

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diatcurs s'avancent : Morituri te salutant César. La foule enivrée pousse de longs cris de joie, couvrant de ses acclamations la voix des victimes expirantes. Que lui manque-t-il ? n'a-t-cllc pas ce qu'elle demande ? Panem et circcnces? le reste lui importe peu. Voila les arcs de triomphe des empereurs, celui de Titus, de Marc- Aurèlc, celui de Vespasicn devenu l'arc de triomphe de Constantin. Leur structure, leurs bas-reliefs, leurs co- lonnes, leurs frises, leurs statues parlent tout haut et ra- content les événements qui s'y rattachent.

Le Colysée, ce monument gigantesque de Vespasien et de Titus, Msr Fournier nous le montre avec toutes ses richesses, ses plaques de marbre , ses bronzes dorés , ses statues. Les immenses arènes sont le Champ de Mort, c'est- à-dire le Champ de Victoire des héros chrétiens. Les lions rugissaient, les tigres montraient leurs dents acérées, les barrières allaient s'ouvrir : Immolez aux dieux, disait le prôtre aux victimes, votre salut est a ce prix. Depuis le vieillard jusqu'il l'enfant, tous répondaient : Je suis chré- tien : et le sacrifice était consommé !

Le Panthéon, ce temple de tous les dieux, comme son nom l'indique, le Sancta Maria ad martyres d'aujour- d'hui, renferme de nombreux trésors artistiques cl rap- pelle de grands souvenirs historiques. Aussi Mer Fournier lui consacre-t-il plusieurs pages.

Puis nous apparaissent des constructions destinées aux premiers besoins de la vie, mais qui n'en ont pas moins uu caractère monumental ; les aqueducs qui vont chercher l'eau si loin dans la campagne, les fontaines qui se trou- vent sur les places de Home. OEuvre des empereurs, ces fontaines ont depuis été transformées par la main des papes. Aujourd'hui les statues qui les surmontent ne représentent que des sujets sacrés.

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Nulle part on ne poussa plus loin le luxe des tombeaux et des autres monuments funéraires, nulle part leur cons- truction n'a exiger d'aussi prodigieuses dépenses. Du plus grand nombre, il ne reste que des débris, mais nous savons ce qu'ils étaient aux jours ils furent édifiés. Ainsi le tombeau d'Adrien, aujourd'hui château fort et masse informe, était autrefois un monument remarquable par sa coupole que dominait la statue colossale du premier empereur qui repose sous ses dalles. Il devint le tombeau de ses successeurs jusqu'à Alexandre- Sévère. Nous avons été trop souvent témoin des violations de lieux saints pour nous étonner que, dans des jours d'émeute et de pillage, les objets d'art qui s'y trouvaient aient disparu, brisés par les vandales ou enlevés par les voleurs. Du tombeau d'Au- guste, il reste encore moins que de celui d'Adrien. Le seul qui ait résisté aux outrages du temps et que le marteau des démolisseurs ait épargné, est celui de Cecilia Metella, femme du triumvir Grassus. La solidité de sa construction est telle que, sans son cachet antique, il semblerait avoir été élevé de nos jours. M&r Fournier en fit une étude attentive et nous en a laissé la description.

Ce qui le toucha le plus dans ces visites sépulcrales, ce furent bien moins en raison de leur aspect monumental qu'à cause des souvenirs qu'ils réveillent les Colum- baria, tombeaux qui se trouvent dans la voie Appienne. On sait en effet que ces tombeaux, dont la découverte est récente, confirment ce que l'on avait déjà dit de l'attache- ment que certaines grandes familles avaient pour leurs esclaves. Ces esclaves étaient si bien considérés comme étant de la maison, que, dans plusieurs Columbaria, entre autres dans celui des Pompées, le serviteur dort de l'éternel sommeil à côté du maître.

Esprit nourri de la lecture des grands poètes et des

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grands écrivains de l'anliquilé, n'ayant jamais cessé complètement de vivre dans leur société, Msr Fournies ne pouvait pas quitter Rome sans aller voir les lieux Virgile composait ses églogues et ses Géorgiques, Horace ne s'inspirait pas seulement des beautés de la nature, mais aussi du vieux vin que renfermait la bouteille nata secuin consule Manlio, Catulle chantait le Moineau de Lesbie, Auguste et Mécène se reposaient des grandes affaires de l'Etat en cultivant les Muses, Cicéron écrivait ses traités de morale et de philosophie si parfaits par la composition et par la pensée, qu'ils charment à la fois nos cœurs et nos esprits. Arrêtons-nous pourtant. Quelque délicieuse que puisse être une excursion littéraire faite dans la compagnie d'un esprit dont les douces émo- tions se transmettent à ceux qui récoulent, comme elle serait un peu longue pour les instants dont je puis dis- poser, je ne suivrai Monseigneur ni sur les bords de l'Anio, ni a Tivoli, ni à Tusculum, ni à Frascati, ni môme a ce couvent de l'ordre de Saint-Basile se trouvent les chefs-d'œuvre du Guerchin, du Dominiquin, d'Annibal Garrache.

Aussi bien de saintes voix se font entendre d'un autre côté, et j'ai hâte de me rendre aux lieux d'où elles par- tent. C'est toujours Msr Fournier qui me sert de guide. Avant tout autre édifice religieux, Saint-Pierre frappe nos regards. Que dire de l'immense basilique, du vaste portique l'on voit les statues équestres des deux grands empe- reurs Constantin et Gharlemagne, des merveilles de toute nature auxquelles travaillèrent les Bramante, les Michel- Ange, les Raphaël, les Della-Porla, les Michella ? Si Mer Fournier fut pris d'admiration devant elles , un autre sentiment s'empara bien vile de son âme. Le temple était ouvert et le tombeau du premier pontife qu'en-

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lotiraient les statues des saints à qui la garde en semble confiée, frappait tous les regards. Cent quarante-deux lampes dont la lumière ne s'éteint jamais, éclairaient la crypte reposent les deux grands apôtres saint Pierre et saint Paul. A cette vue, toute autre impression fut bannie de son cœur, et il lui fallut le repos de la nuit pour que le lendemain il put étudier de sang froid les peintures que renferme le temple.

Après Saint-Pierre, le plus beau monument religieux de Rome est peut-être l'église de Saint- Paul hors murs. En 1813, un terrible incendie la consuma, mais elle s'est relevée de ses ruines, et quand Msr Fournier la visita elle jetait un éclat incomparable.

Entrons dans l'église Sainte-Marie des Anges et dans celle de Saint-Pierre de Vincoli : la première offre à nos yeux la statue de Saint-Bruno due au ciseau d'un sculp- teur français, la seconde le Moyse de Michel-Ange, chef- d'œuvre qui n'a pas son égal dans la sculpture de tous les âges.

Le Vatican n'est pas seulement la demeure des Papes, ce palais renferme des Musées se trouvent des collections artistiques et archéologiques de toutes les époques et de tous les pays, des galeries tapissées de tableaux le sacré et le profane sont en compagnie ; une bibliothèque les érudits peuvent trouver des trésors, puisqu'elle contient trente mille manuscrits inédits, des palimpsestes, œuvre des bénédictins, dont il est bien regrettable qu'on ne puisse pas faire revivre l'écriture première, enfin des collections antiques et des objets d'art bien propres à attirer l'attention. Msr Fournier nous dit qu'il dut à la rencontre d'un moine français, homme d'une grande éru- dition qui vivait dans les nécropoles intellectuelles, le cardinal Dom Vitra, d'apprécier les richesses dont la

valeur, pour quelques-unes au moins, aurait pu lui échapper, sans cette heureuse circonstance.

C'est surtout dans la chapelle Sixlinc que l'œil et l'oreille sont charmées tour à tour. Michel-Ange la décora, et nulle part ailleurs son pinceau ne trouva autant de génie. A celte occasion, Msr Fournier fait entre les deux grands peintres du siècle de Léon X un parallèle digne de figurer dans un cours de littérature. Tout en admirant la séduction du pinceau de Raphaël, il donne îa préférence à celui de Michel-Ange, parce que si le premier a peint la nature avec une grâce que rien n'égale, le second dépasse la nature. Son génie lui a inspiré un idéal, un surhumain qui vous domine et vous fait reconnaître en lui, non plus un homme, mais comme un génie supé- rieur auquel on ne peut atteindre.

Pendant l'office que célébra le Souverain Pontife, la musique grave et sévère de Palestrina, qui depuis long- temps remplace la musique païenne , pénétra tous les cœurs et les ravit d'admiration.

Il semble, dit M«r Fournier, que la ville de Rome est pour le monde et non pour elle. Non-seulement le Vati- can, dans toutes ses salles, est ouvert au public , mais les palais des patriciens , palais riches de tant d'objets curieux, ne ferment leurs portes a personne. En lêle, sont les palais Borghèse et Barbcrini, sont étalées toutes les magnificences de l'art et les plus belles bibliothèques; aux portes de la ville, les villas Doria et Borghèse, demeures princières que visitent les étrangers , sans qu'il leur soit besoin au préalable d'en demander l'autorisation.

Si l'amour de l'art el des lettres déborde à chaque page sous la plume de U^T Fournier , le sentiment religieux domine tous les autres. C'est surtout en présence des anciens monuments chrétiens , aux grands et immortels

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souvenirs, que, son émotion ne pouvait se contenir. Sa pensée le ramenait à dix-sept siècles en arrière , à cette époque de persécution les chrétiens s'assemblaient dans d'obscurs souterrains, loin des yeux des empereurs féroces et des proconsuls sanguinaires , pour y prier ensemble et célébrer les saints sacrifices. Plongé dans un profond recueillement , Monseigneur contemplait les reliques de ces sublimes martyrs, qui couraient à la mort comme on court à la gloire.

De nos jours, une thèse contraire a été soutenue. Il a été prétendu que la disposition des lieux n'a pas pu y permettre des réunions nombreuses. Comme l'avait déjà fait M. Rossi,Msr Foumier combat celte opinion. Dans sa discussion, il ne se contente pas d'invoquer le témoignage de saint Jérôme, qui, au IVe siècle, les avait parcourus , et de s'appuyer sur l'histoire ; il trouve dans la science archéologique des arguments victorieux : elle lui apprend que la tradition du passé est bien ici la vérité.

Je viens de parler d'archéologie ; l'archéologie chré- tienne possède à Rome d'immenses richesses dont personne mieux que Msr Foumier n'était apte à apprécier la valeur. C'est à Saint-Clément, dans les baptistères, à Saint-Jean- de-Latran, a Sainte-Croix, à Sainle-Marie-Majeure, à Sainl- Pierre-de-Vincoli , à la prison Mamerline, qu'il les trouva en plus grande quantité. A la vue des chaînes du premier pontife de Home , du cachot qui renferma les grands apôtres Pierre et Paul , 31sr Fournier se reportait tout entier à cette époque de foi et d'héroïsme, et quand, à son retour, le souvenir de tout ce qu'il avait vu se présentait sans cesse à sa mémoire, il jetait sur le papier ces paroles éloquentes': * J'ai vu les beaux et splendides palais, j'ai » . vu les musées et les richesses antiques léguées par les d souverains, j'ai parcouru les expositions célèbres, j'ai

» visité Pompeï , je n'en ai point gardé dans l'âme les » mêmes souvenirs , les émotions n'étaient point les » mêmes ; elles n'étaient ni aussi douces, ni aussi solen- » nelles , ni aussi vives. 0 religion ! ta puissance est » grande; tu es, comme a dit quelque part Lacordaire, » la grande et impérissable passion de l'humanité. »

Il y eut pourtant un moment celle émotion fut encore plus profonde, ce fut le. jour où, reçu en audience par le Saint-Père, il se jeta à ses pieds cl en reçut sa bénédic- tion.

Le compte rendu un peu long que je viens de vous faire ne vous donnera pourtant, Messieurs, qu'une idée bien incomplète d'une œuvre littéraire vraiment remarquable. Je ne saurais trop engager ceux d'enlre vous qui ne fai- saient pas encore partie de la Société académique lorsque Msr Fournier la publia dans ses Annales, et qui pourraient ne la pas connaître, d'ouvrir les volumes des années 1SG2 et 1803 ; je leur promets les heures les plus agréables.

En 1856, Mer Fournier avait été appelé par les suffrages de ses collègues a présider la Société académique. Il s'ac- quitta de sa lâche a la satisfaction générale, si bien que l'année suivante , contrairement aux habitudes de, notre Compagnie, il fut maintenu au fauteuil présidentiel.

Nous avons parlé de l'écrivain, nous allons dire un mol de l'orateur. Dans le discours d'usage qu'il prononça à la séance publique du G29 novembre 1857,